Thank you.

La tendance serait donc à l'ingratitude, à l'insatisfaction maladive....dans les journaux, on m'interroge, mais derrière les questions on attend des réponses que je ne peux apporter, vu qu'elles ne m'appartiennent pas.

Non, ma situation actuelle ne me satisfait pas, et c'est pour ça que j'en change.

Mais ce n'est pas pour autant que je suis ingrate envers ma vie.

La vie m'a offert de naître dans un pays en paix, avec des parents qui s'aimaient au moment de ma conception et de ma naissance, dans une famille qui attendait ma venue, dans une ville et à une époque où on ne souffrait pas de famine, de guerre, de difficultés particulièrement ardues.

Certes mon enfance n'a pas été idéale, mais elle s'est quand même passée, bon an mal an, avec le simple tumulte d'une séparation, avec les aléas d'une vie d'enfant, oh bien sûr avec des monstres et des cauchemars, évidemment, mais qui n'en n'a pas connu?

J'ai été une adolescente des années 90, et mon cerveau est mon meilleur ami, il n'a gardé que le bon, les réunions dans le hall du collège, sous le préau, les heures à écouter de la musique dans les espaces verts au bout de la cour, les échanges de bracelets brésiliens, les mots doux sur les agendas, les copines et les copains, les joies et les peines de coeur liées à notre âge.

Mon premier 20/20 en maths, (et mon seul d'ailleurs) les cours improbables de latin, les heures de conseils de classe, et la certitude d'un métier qui ne me quitterait jamais.

Le lycée, les meilleures années de ma vie d'ado, les exposés, la philo, les amitiés qui durent encore aujourd'hui, les concerts dans l'"oeuf" et toutes ces choses qui nous accompagnent toujours....

Bien sûr j'ai eu des hauts et des bas, bien sûr ça n'a pas été gai tous les jours, mais la guerre n'a pas non plus éclaté l'année où j'ai eu mon bac, et j'ai assisté à la seule victoire de l'équipe de France de football à la Coupe du monde, à une époque où mon pays était uni, et affichait haut ses couleurs diversifiées.

J'ai eu la chance de faire des études, de les poursuivre jusqu'au bout, même si j'ai souvent eu le sentiment que peut-être je n'y arriverais jamais, que c'était dur, oui je me suis découragée parfois, mais j'ai réussi mon objectif, alors comment ne pas remercier la vie pour cela?

J'ai voyagé, passé mon permis, eu une voiture, rien de tout cela n'aurait pu sans doute arriver si "facilement" il y a 40 ans par exemple, j'ai eu un toit, j'ai mangé à ma faim, bien sûr j'aurai du faire plus de sport et peut être apprendre à me nourrir correctement, mais la vie suivait son cours, tranquillement.

J'ai gravi les étages de l'Empire State Building, bu un thé sur le Mont Royal à Montréal, fêté mon anniversaire entourée de mes amis, et à Rome aussi, j'ai mangé une pizza à Milan, fêté le nouvel an en Calabre, bu des chocolats chauds avec mes amis à Lille, j'ai fait un tour en barque à Amiens, j'ai assisté à des concerts, j'ai écrit un livre, non, vraiment, je ne vois pas comment ne pas remercier la vie pour tout cela.

J'ai perdu mon amie, c'est vrai, j'ai perdu des êtres chers, j'ai aussi eu la chance immense d'en retrouver, et je pense malgré moi que parfois la vie n'est pas tendre tous les jours.

Mais j'ai eu la chance de connaître des tas de gens, et d'embrasser tellement de joues, de serrer des bras, de sentir de l'amour, de l'amitié, du désir, de la vie.

Alors je trouve que parfois on est ingrat avec soi-même, ingrat avec notre chance d'être là.

En répondant aux sirènes de la consommation, en se comparant sans cesse aux autres, on finit par ne plus se souvenir du chemin déjà parcouru, de la chance que jusqu'ici nous avons eue.

Skier, monter à cheval, prendre l'avion le temps d'un weekend,  traverser l'Atlantique, faire du bateau en Corse, conduire, danser, rire, lire, écrire, chanter, faire rire les autres, s'émerveiller devant un coucher de soleil sur la plage de Tropea, assister au mariage de nos meilleurs amis, voir les naissances de nos neveux et nièces, aider nos anciens à souffler leurs bougies.

Il y a quand même des endroits trés proches de nous où tout ceci ne coule pas de source, où tout ceci est un cadeau du ciel, où chaque chose qui nous paraît "logique" à nous est en réalité une réussite, un exploit pour eux, il suffit de regarder sur les trottoirs de nos villes, dans les foyers, aux feux rouges de nos grandes agglomérations....et au-delà de nos frontières....à Lampedusa.

Alors ce matin, je pensais à ça, à tout ce qui m'était arrivé de bien, à toutes ces choses positives qui doivent prendre le dessus sur les difficultés du quotidien, pénibles à vivre, c'est vrai, mais aussi tellement futiles, inexistantes à l'échelle d'une vie.

La vie qui m'est offerte de vivre, ce cadeau inestimable, c'est à moi d'en faire une réussite, oui c'est à chacun de nous de transformer l'essai.

Il est important de regarder ces choses sans en retenir seulement le mauvais, car cela détermine aussi la qualité de nos relations avec les autres, plus nous sommes capables de prendre du recul pour constater l'étendue des bonnes choses qui ont jalonné notre vie, moins nous serons envieux, aigris, mauvais, envers nos voisins, moins nous accorderons d'importance à nos différences, préférant en faire une force plutôt qu'un obstacle.

C'était un dimanche matin sans doute comme les autres, ou peut-être pas, où j'allais souhaiter un bon anniversaire à mon père, en me disant, j'ai la chance d'en avoir un et de le connaître, il n'est pas parfait, mais moi non plus alors, c'est aussi ce qui fait que je suis sa fille sans doute...

J'ai mesuré cette chance de pouvoir me rendre chez lui, sans sauter sur des mines ou sans traverser le désert, d'arriver aussi vite que je le voulais, avec le soleil, le chauffage et la musique dans ma voiture, j'ai réalisé toute cette route parcourue cette année dans notre relation, les montagnes russes que nous avons gravies chacun de notre côté, une année à l'image de notre vie finalement, et je me suis dit, qu'il était là, en bonne santé, et moi aussi, alors....profitons en.

Qui sait où nous serons demain, la semaine prochaine ou l'an prochain?

Ce qui est certain c'est que nous sommes tous extraordinaires, tous différents, tous uniques, mais si nous étions meilleurs, si nous étions mieux, nous ne serions plus nous.

La vie ne peut être douce si on la frappe chaque matin, si on la flagelle en l'insultant de tout le mal qu'elle nous fait en oubliant le bien qu'elle nous a déjà procuré jusqu'aujourd'hui. 

La vie, en fait, c'est nous. On n'avancera jamais plus vite si on nous fustige à chaque lever du soleil..

Bonne journée à vous 

Je vous embrasse.

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