Indiscrétions

Peu de gens ont échappé au phénomène, et j'avoue y avoir succombé depuis déjà 4 ans.

Ce fameux "social network", cet outil de communication à double face, pile celle qui te permet d'élargir ton public, face celle qui t'enfonce dans les abîmes de l'indiscrétion.

Je parle évidemment, vous l'aurez compris, de tête de livre, aujourd'hui coté en bourse, et incontournable réseau social.

On y retrouve ses amis d'enfance, ses copains de collège, de lycée, parfois même des cousins dont on avait perdu la trace, et puis, on les ajoute à notre liste d'amis.

Des fois, on finit par oublier qu'ils peuvent voir nos publications et nos photos, on ne fait même plus attention.

On ajoute nos collègues, sans se dire que peut être vie privée et vie pro ne font pas bon ménage....on oublie parfois qu'arrêt maladie rime rarement avec soirée bikini, et on s'étonne avec culot de la mise à pied conservatoire dont on est l'objet à notre retour au bureau.

Parfois, on oublie aussi, que nos parents y sont inscrits, et les amis de nos amis n'étant que rarement nos amis, ils finissent par voir nos photos en mode rodéo nocturne à califourchon sur une vache en plein resto, toujours trés facile à expliquer au repas dominical.

Nos parents ont un second degré trés développé c'est bien connu.

L'écueil de tête de livre, c'est de tomber dans l'excès.

Raconter des anecdotes rigolotes et faire marrer les potes, faire de l'esprit, montrer des facettes de soi inconnues du grand public, pourquoi pas.

Mais la dérive nous guette facilement.

J'ai eu l'idée de ce post en discutant avec un ami ce matin, (pas un ami virtuel j'entends) au sujet d'un de nos contacts communs, qui, sans aucun doute, ne s'épanche pas sur sa vie, son oeuvre, toutes les heures pour le plaisir mais pour combler un vide intérsidéral dans sa propre existence par ce moyen.

Changeant de statut jusqu'à ce que quelqu'un l'aime ou le commente, ne vivant finalement plus l'instant mais se sentant obligé de le partager avec le monde entier, y compris les collègues, les connaissances et autres inconnus venant d'on-ne-sait-quelle-planète (on se connait d'où déjà?) le moindre trognon de pomme à peine digéré.

Bref, la réflexion est de se demander si d'outil indéniable de com, ce jouet ne se retournerait pas contre nous à la première occasion?

Je suis la première à y coller ma chanson du jour et mon bonus track depuis trois ans, d'y apposer mon statut et mon humour grinçant parfois, d'y publier des photos, mais la mesure est importante.

Je vis.

J'ai les pieds sur terre, et je me rends compte que lorsque tout va bien, je n'y suis pas sans arrêt.

C'est quand je me sens seule que j'y suis pendue.

Et l'expression n'est pas choisie innocemment.

Je m'y pends, je m'y perds, pour combler certains soirs de déprime, quand rien ne vient apaiser mes tracas, quand je n'accroche pas les mots d'un roman, quand je ne comprends pas les gags d'un film où le cerveau n'est pas requis, quand je ne décroche tellement pas de mon quotidien qui m'épuise que j'ai besoin de m'accrocher ailleurs.

Tête de Livre, c'est le moyen de contacter des gens qu'on ne voit jamais, d'une certaine manière, ils sont chez nous, à côté sur le canapé, on n'est plus tout seul et ça rassure.

D'une certaine manière, éteindre l'ordinateur, se déconnecter, c'est déconnecter du monde extérieur, surtout quand on croit que rien ne va.

Alain CHABAT a raison de dire, que le matin c'est nous qui décidons de notre journée, soit tout est grave, soit rien ne l'est.

Certains soirs, la solitude pèse si lourd que la facilité serait celle d'étaler sa vie dans le monde virtuel où le droit à l'oubli n'existe pas, comme des bouteilles à la mer et autant de sos de terriens en détresse, où si demain notre envie de crème glacée nous passe, les fenêtres ouvertes et allumées, elles, s'en souviendront pour toujours.

La maîtrise de l'outil informatique, la possibilité d'effacer au gré de nos humeurs, nos coups de blues ou coups de sang, nos étincelles et nos élans, tout ça, contrairement à ce qu'on croit, ça ne s'improvise pas.

Et comme le temps passé sur tête de livre est définitivement perdu, et que chacun sait que la première minute de connexion bleue et blanche est déjà la minute de trop, on fait les comptes jusqu'à comprendre....qu'on perd son temps.

Et encore, je me rassure, je ne joue pas à tous les jeux idiots et archi méga chronophages que me propose habilement l'ami Marko Z..

Sinon, j'arrêterai définitivement de bosser.

Tête de Livre et son entêtement à la tentation, aux nouvelles amitiés empoisonnées, aux trahisons dés le premier poke, jusqu'à perdre la tête quand l'individu lambda d'hier se connecte aujourd'hui, mais ne vient pas nous parler ou ne nous répond pas, pourquoi, pourquoi POURQUOI!

Rétablir l'ordre aprés des heures passées à papoter sur notre lieu de travail, papoter ça n'engage à rien, oublier de fermer la fenêtre, laissant entrer l'adultère dans la maison au gré du vent.

Tête de livre est là pour ça.

Mais je ne peux que reconnaître également les bienfaits de la face A..

Et si j'ai pu toucher mon rêve du doigt, c'est grâce à ça, si j'ai pu faire évoluer la joie, c'est grâce à ça, si j'ai retrouvé mes amis de collège, de primaire, de lycée, de fac, c'est grâce à ça., si je peux discuter avec mes cousins et amis du monde c'est grâce à ça, si chaque année ils sont une centaine à me fêter pour mon anniversaire, c'est grâce à ça....

Il ne s'agit pas de cracher dans la soupe, mais simplement de constater les bienfaits et les méfaits d'une solution pourtant simple: relier les gens du monde entier.

Ne rien rater, s'informer, échanger, aimer, s'émouvoir et revivre des moments privilégiés.

Constater aussi que l'émergence des nouvelles technologies permet de prendre en photo tout ce qu'on voit avant même de l'avoir vu ou vécu, les appareils photos envahissant les parvis d'églises et de mairies avant d'avoir entendu "oui", et c'est de plus en plus compliqué de ne rien emporter, de peur qu'un Alzeihmer précoce n'efface nos souvenirs.

Alors qu'une odeur, un lieu, une chanson, suffisent à tout se remémorer en une seconde.

Contradictoire?

Vivre avec son temps signifie t il étaler sa vie au gré du vent? Et quand je dis "sa vie", j'entends déjà les ricanements, "c'est l'hôpital qui se fout de la charité" "elle passe sa vie connectée".

Premièrement, que savons nous de moi? Vraiment je veux dire?la vraie partie de moi, celle que je suis?
Rien. Bonne réponse. Je montre ce que je veux bien montrer.

Deuxièmement, si je vous donne l'impression d'être toujours connectée, n'est ce pas que vous êtes vous aussi sans arrêt présent?

On a trés envie de se disculper en pointant du doigt les erreurs du voisin.

C'est la face B du disque.

Le voyeurisme.

On commente les photos, on commente les statuts, on partage les idées....ou alors, tapi dans l'ombre, on voit tout, on lit tout, on ne rate rien, mais personne ne nous voit.

C'est ni plus ni moins le monde qui s'étend dans nos vies au quotidien.

Idée lumineuse de ce jeune étudiant qui souhaitait se venger de son ex, et qui voulait la ridiculiser sur la toile, idée de génie qui prend naissance dans un instinct vil mais néanmoins humain, qui nous donne envie de partager comme de mater les faits et gestes par la fenêtre de nos ordinateurs, ce qui se passe chez la voisine.

Les règlements de compte, les trahisons, les ruptures, les idylles, les mauvaises passes, les dépressions, les lassitudes, les jours de grande forme, les jours d'élection, les jours de suspens,  les changements de situations sentimentales, d'une minute à l'autre, qui couche avec qui, c'est comme ça.

Comme à la machine à café.

Et comme à la machine à café, les murs ont des oreilles, sur la toile, tout est contrôlé.

On vend nos vies à un mec qui est coté en bourse, et qui sait tout de nous. 

Enfin, tout, tout ce qu'on veut bien lui vendre.

Entendons nous bien.....

Et sans vouloir être indiscret, vous seriez prêts à mettre combien?

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