Dents de Scie

Alain Chabat a raison: c'est nous qui décidons si la journée sera bonne ou pas.

Ce matin j'ai donc décidé qu'elle serait bonne, alors que je filais jusqu'à la prison de Longuenesse.

Allez comprendre, siffloter en allant en prison, y a pas, je suis atteinte, mais bon, je sifflotais, chantais, bref, j'avais pris ma décision.

On m'a offert un petit café (elle est bonne je vous dis!) et mon client, charmant, était tendu mais néanmoins fort sympa et avait un super bon dossier (excellente journée!!!!!!) ce qui me changeait considérablement des autres clients de ce type d'audience d'aménagement de peines.

Stilal, c'était un bon garçon, une famille, des enfants, un chien et un scénic.

Et tout plein de choses bien, un diplôme validé en prison, un comportement exemplaire, sans déconner il ne lui manquait que la légion d'honneur.

Et évidemment tout s'est bien passé, bien entendu en sortant il a sorti la larmichette de reconnaissance envers l'avocat radieuse que j'étais et la musique du générique a bien entendu envahi les couloirs du parloir.

Bref, perfection, ce qui n'arrive bien entendu jamais.

Là, je suis sortie la robe sous le bras, les surveillants m'ont resservi un café, sympas, compréhensifs, gentils on se serait cru dans une série AB productions j'entendais presque les rires préenregistrés tellement c'était idyllique.

Le déjeuner était fort fort agréable, vraiment nickel, on aurait dit que j'avais choisi la bonne voie, qu'il était possible de décider que tout irait bien tout ça tout ça.

Et puis.....la vie a repris le dessus.

14H30 Une salle d'attente glauque de commissariat où j'accompagnais une cliente......a eu raison de ma bonne humeur.

Et là je me demande pourquoi j'ai accepté la mission.

Et du coup je patiente dans le couloir.

Et je me rends compte, après avoir checké mes mails, aprés m'être gentiment plainte sur Tête de Livre, que je ne devrai travailler que le matin (hier ressemblant sensiblement à aujourd'hui) ou bien que je devrai définitivement arrêter d'aller en prison pour commencer la journée, ou alors, que je devrai diffuser dans mon bureau du gaz euphorisant.

Ou alors les trois en même temps.

Parce que si ce matin, je bombais limite le torse d'avoir servi à quelque chose, cet après midi a fait voler en éclat mes toutes petites satisfactions matinales.

Et j'ai pensé à une scie.

Voilà, mon travail actuel c'est ni plus ni moins que les montagnes russes des dents de scie.

Et non seulement ça pique mais en plus, y a que Léonard de Vinci qui y a trouvé son compte finalement (non je n'explique pas les blagues surtout quand elles sont toutes pourries)

Alors je me console en voyant que mes clients eux, sont complètement bipolaires, voire même parfois effrayants.

Mais aujourd'hui, je voulais tellement que ce soit une bonne journée, que j'ai décidé de prendre une bonne respiration et de m'asseoir gentiment à mon bureau.

Les doigts croisés pour que la fin de journée soit bonne, et que je puisse réutiliser la méthode Chabatesque.

En évitant la scie. (Pas le chien, l'autre)

Je pense qu'il est grand temps que je retourne bosser!



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