Un jeudi d'octobre

Il lui a fallu du courage pour réussir à l'aborder, des jours et des jours à le regarder, et à tourner la tête quand il la prenait sur le vif.

Elle, coiffée comme un garçon, timide mais craquante dans son genre, lui, cheveux longs, style sportif, drôle et sensible, mais trop timide pour lui parler "sérieusement".

1996, une année à marquer d'une pierre blanche, ils se sont retrouvés dans la même classe....

Elle mettait du temps à se préparer, se demandant quel t.shirt elle mettrait, s'il la remarquerait, si elle était assez bien, si finalement elle ne se changerait pas, et puis non, et puis si, oooh c'est bon.

Elle arrivait devant la grille du lycée, le coeur battant, tous les matins, en le cherchant des yeux dans les rangs, dans la cour, dans la classe....elle rougissait rien qu'en le remarquant, parfois, en y pensant, il était le plus beau à ses yeux.

Il l'avait remarqué bien sûr, il voyait bien tous ses efforts, mais ils avaient 15 ans, il était timide lui aussi, intimidé même, parce qu'il sentait qu'il tombait fou amoureux.

Elle passait ses journées à dessiner des coeurs sur ses cahiers, sur ses classeurs, sur sa gomme, bref, partout où elle pouvait, elle écrivait son nom....

Aprés les cours, elle courait comme une folle derrière le bus pour l'apercevoir une dernière fois, pour rêver de lui, pour lui dire sans doute, tous les soirs, qu'elle l'aimait....

Ce petit jeu a duré jusqu'à cette semaine d'octobre.

Une de ces semaines dont des années plus tard, on se souvient du temps qu'il faisait, de notre tenue chaque matin, de l'odeur dans l'air, de la couleur du ciel.

Une de ces semaines qui grave dans notre esprit, dans notre âme et dans nos veines, dont on se souvient plus de quinze ans plus tard, un après midi de septembre, entourés des amis et de la famille, sous un arche de fleurs blanches.

Cette semaine là, en octobre 1996, sa cousine lui refile une simple feuille de papiers pliée en mille, dans la poche arrière de son jean.

A l'époque, on était bien loin des mails, des sms ou des blogs.

Sur cette feuille, la sacro sainte "chaîne". 

Vous voyez de quoi je parle?

"Envoies cette chaîne à 10 personnes avant le coucher du soleil, et la personne que tu aimes tombera amoureuse de toi."

Personne ne croit à ce genre de trucs on est d'accord.

Quand on les reçoit, on ne les fait même pas tourner, on est désabusés, blasés, dégoûtés de recevoir encore ce genre de trucs à notre âge.

Quoique....

Mais à 15 ans....on y croit (et moi aussi d'ailleurs, même aujourd'hui) et elle y a cru.

Elle a fait ce qu'elle devait faire comme le prescrivait la lettre.

Lundi.

Mardi....

Mercredi.....Grrr toujours rien!

Elle avait beau se donner du mal, tout faire pour qu'il la remarque.rien n'y faisait, et ce mercredi soir, elle se disait qu'elle ne croirait plus jamais ces conneries de chaînes, qu'il ne la remarquerait jamais, qu'ils avaient beau se parler pour des futilités en cours, il ne la voyait que comme les autres filles point barre.

Pff, et ces petites connes là, au fond de la classe, toujours à se trémousser, toujours dans ses basques, ça devenait insupportable.

Cette nuit là, elle a trés mal dormi, elle tournait dans son lit, à gauche, à droite, au milieu. Impossible de fermer l'oeil, et quand le sommeil s'est enfin abattu sur elle, le réveil a sonné.

Jeudi. Blasée, elle est allée au lycée.

Les papillons dans le ventre, le bonheur de le revoir, tout y était, mais sans pouvoir magique.

Elle a passé la journée au ralenti, elle ne s'est pas précipitée derrière le bus.

Mais la surprise, c'est qu'il n'était pas monté dans le bus. Il était là, juste derrière elle, il a posé ses mains sur ses yeux, son sang n'a fait qu'un tour.

Elle a eu super chaud, elle avait déjà deviné que c'était lui, l'amour de sa vie, à cet âge là on dit et on croit à ce genre de choses.

Elle a souri, elle s'est tournée vers lui. Il la regardait droit dans les yeux.

Comme dans ses rêves d'ado, comme dans ses fantasmes.

Ce jeudi d'octobre, il faisait encore bon, une sorte d'été indien, le soleil était sur le point de se coucher....c'était le moment idéal.

Il aurait pu pleuvoir des cordes, il aurait pu neiger, il aurait pu y avoir une tempête de vent.....

Ce baiser là, ils en avaient rêvé tous les deux, il aurait existé quoiqu'il arrive.

Lui, le timide au coeur de chamallow, amoureux éperdu, beaucoup trop pudique pour le lui dire, avait attendu tout ce temps, avait remarqué son manège, avait su lire entre les lignes, et savait qu'elle était la seule à le faire vibrer de cette façon.

Elle,à partir de ce jour là, souriait à sa bonne étoile, a toujours cru aux chaînes, et s'est rendu compte à quel point elle l'avait dans la peau!

Aujourd'hui, ça fait 15 ans, que dans leur histoire, tous les jours sont un jeudi d'octobre....

J'ai essayé de leur dire que je les aimais sans pleurer, mais je n'y arrive que par écrit.

J'ai envie de vivre moi aussi un mois d'octobre.....aussi heureux, aussi simple que ça.

Et j'ai envie de vous le souhaiter à vous aussi.

S'aimer comme au premier jour, tous les jours, malgré l'érosion du temps, malgré les tempêtes, malgré l'adversité, la vie, le quotidien, c'est tellement beau que ça devient même incroyable.

La réciprocité, les attentions, les petits riens qui font tout.

Ce sont mes amis, et je suis fière d'en connaître au moins deux, qui ont grandi, appris, et qui vieilliront ensemble.

Soyez heureux mes amis, eux, vous, nous.

Et vivez chaque jour comme une journée d'octobre.....:)


Commentaires

Anonyme a dit…
Pour une fois ce n'est pas toi qui pleure... c'est nous ! Tu es la best témoin de mariage du monde .... on te souhaite de vivre ton jeudi d'octobre très vite et surtout, comme nous, de pouvoir continuer à le revivre chaque jour comme le premier. Gros bisous ma belle
Tes petits tourtereaux
Y a d'la joie! a dit…
j'ai un peu romancé mais en tous cas, c'est comme ça que j'ai imaginé les choses.....
je vous aime tellement fort!
j'ai hâte d'être en octobre:)

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